Logement social : le bal des hypocrites

Publié le par Bernard Joseph

A l'heure de la récession économique et de la baisse du pouvoir d'achat mis à mal par la stagnation des revenus et de la hausse de l'inflation, nos concitoyens sont de plus en plus confrontés par la problème du logement : accession au logement, décohabitation des enfants, hausse des loyers, adaptation de la surface à la composition de la famille, accession à la propriété...

La panne programmée de la construction de logements sociaux et les multiples atteintes à la loi SRU portent atteinte à un droit fondamental, l'accès à un logement. Cela a poussé les ménages les plus solvables vers l'accession à la propriété, option désormais menacée par la remontée des taux et la méfiance des banques. Les ménages les plus précaires, à défaut de l'offre inadéquate du parc social, en sont réduits au mieux à la cohabitation au pire aux marchands de sommeil et autres meublés insalubres

 

Les principes de la loi SRU

La loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains couramment appelée loi SRU, est un texte qui a modifié en profondeur le droit de l'urbanisme et du logement. Adoptée sous le gouvernement de Lionel Jospin, elle a été publiée au Journal officiel du 14 décembre 2000. Ce texte introduit entre autres mesure la mixité sociale avec obligation d’un pourcentage de 20% de logements sociaux dans les communes de plus de 3 500 habitants (1 500 en Île-de-France) comprises dans une agglomération de plus de 50 000 habitants, comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants. Cette obligation s'applique au niveau intercommunal lorsqu'un un programme local de l'habitat a été approuvé.
Cette partie de la loi SRU, codifiée à l'article L. 302-5 du Code de la Construction et de l'Habitation (CCH), prévoit toutefois que les communes concernées par l'obligation de réaliser des logements sociaux peuvent s'y soustraire par le paiement d'une taxe annuelle : celle-ci est fixée, selon l'article L.302-7 du CCH, à 20 % du potentiel fiscal par habitant
multiplié le pourcentage de logements sociaux manquant, avec un plafond fixé à 5 % du montant des dépenses réelles de fonctionnement de la commune de l'année précédente.

L'idée générale du texte est donc de favoriser la mixité sociale de manière à ne pas créer des poches de pauvreté et donc à répartir l'effort de logement social sur toutes les communes.


L'utopie idéologique de la France des propriétaires
La France des propriétaires tant voulue par Nicolas Sarkozy ne verra sans doute pas le jour. Alors que le recours aux crédits hypothécaires figure au programme électoral 2007 du leader de l'UMP, en particulier pour les populations les plus économiquement fragiles, la crise dite des « subprimes » reporte aux calendres grecques une telle mesure.

L'idéologie voulue par Sarkozy et portée dans notre ville par Gérard Gaudron n'est qu'une vieille recette éculée des néoconservateurs anglo-saxons (dans notre pays, improprement qualifiés de libéraux). En son temps, Margaret Thatcher avait procédé de manière radicale au démentèlement du parc de logement social, offrant aux occupants de racheter le logement du parc social qu'ils occupaient avec des prêts hypothécaires à taux variable. Ce qui devait arriver arriva. Une simple flambée des taux a jeté dehors ces primo-accédants aux revenus limités. Sauf qu'ils n'ont pu se reloger dans le parc social désormais privatisé. Et c'est cette bonne idée réchauffée qu'on a essayé de nous resservir plus de 20 ans plus tard. L'exemple américain tombe à point pour montrer l'absurdité et la dangerosité d'un tel modèle.

Au niveau local, les cas de grandes copropriétés privées surendettées du nord de la ville aurait dû faire réfléchir notre député ex-maire.


Les Resquilleurs
A côté des communes vertueuses qui respectent la loi (20 % de logement social), il y a les très vertueuses comme Aulnay-sous-Bois qui ne peuvent pas de résoudre à laisser les familles sur le pavé, entre les mains de marchands de sommeil.

 

Il est de notoriété publique que la ville de Neuilly-sur-Seine n'a jamais été en règle en ce qui concerne la proportion légale de HLM qu'une ville doit avoir. Neuilly-sur-Seine compte 3,8% de HLM sans compter d'ailleurs les habitations "populaires" que les riverains refusent de voir louées .. (la jolie rue de la ferme a par exemple des appartements populaires vides car les riverains ont signé une pétition pour empêcher la ville de les louer).
Au titre de la loi, la ville de Neuilly-sur-Seine devrait payer une amende de 2,7 millions d'euros.
et Neuilly-sur-Seine a payé une amende de .. 123000 euros.
Dans un article récent, le Canard Enchaîné a donc demandé à l'administration comment Neuilly sur Seine avait obtenu cette réduction.  L'administration a reconnu avoir ristourné 2.6 millions d'euros ! .. car selon l'administration, le nouveau maire, monsieur Fromentin "fait preuve d'une politique volontariste en matière de production de logement social !!!"
Le canard enchaîné a aussi contacté le ministère du logement pour savoir comment négocier de telles ristournes mais les services de Christine Boutin ont répondu que "rien n'est prévu dans la loi pour conduire une négociation" ...."La commune peut faire appel de l'amende mais elle est d'abord tenue de la payer" ...
La tolérance zéro de notre président semble donc à géométrie variable.

 

La ville du Raincy, 12 000 habitants dont le Maire est le député Eric Raoult depuis 1995, a un taux de logements sociaux inférieur à 5%. Ville voisine de Clichy-sous-Bois, sa population est très sensiblement plus aisée que le reste de la Seine-Saint-Denis.

Le Maire du Raincy est un symbole. Parti en guerre contre la loi SRU, Lors des élections législatives de 2002, la candidat Raoult avait promis la suppression de la loi SRU, puis s’était proposé en septembre 2005 de prendre la tête d’une "coordination pour la diversité urbaine" pour fédérer les maires réfractaires à la construction de logements sociaux. Eric Raoult a l’habitude de s’insurger contre les 976 logements sociaux qu’il doit construire, en oubliant de signaler que la loi lui donne vingt ans pour le faire, ce qui ramène l’exigence à 48 logements par an.

En 2005, Le Raincy a vu son amende augmenter car n’ont été construits que 26% des logements requis en vertu de l’obligation légale de rattrapage sur la période 2002-2004 que lui imposait la loi SRU. Son amende aurait théoriquement dû voir sa pénalité majorée de 74%, mais le préfet décidé de moduler cette majoration à 54%. La facture annuelle acquittée par la ville du Raincy, qui était jusqu’à présent d’environ 148.000 euros, est ainsi passée en 2005 à environ 220.000 euros.

On rappelera que monsieur Éric Raoult est le patron de l'UMP pour la Seine St Denis et le plus important soutien politique de monsieur Gérard Gaudron.

 

La Madonne des Yvelines contre l'Abbé Pierre

L'abbé Pierre, l'indéfectible soutien aux sans-abris et mal-logés, le fondateur d'Emmaüs avait salué la mise en place de la loi SRU. D'ailleurs, cette loi est tellement appréciée des français que la droite n'a osé la supprimer en 2002.

A défaut de supprimer la loi SRU, la droite a décidé de rogner le champ de la loi. Par deux fois en 2006, le député UMP Patrick Ollier a tenté de modifier à la baisse le quota de 20 %.

En juillet 2008, la ministre Christine Boutin a décidé dans son projet de loi d'inclure dans le quota de 20 % l'accession à la propriété. En 2005, Jean-Louis Borloo avait promis la construction de 20 à 30.000 maisons par an à 100.000 euro. En 2007, l'objectif pour 2008 n'était plus que de 800 maisons pour un prix moyen de 120.000 euro, objectif jamais atteint.

Malgré ce fiasco, madame Boutin nous fait la promotion de la maison à 15 euro. Pendant ce temps-là, le dogme de la France des propriétaires bloque la construction de logements sociaux. Et plus le temps passe plus la crise du logement s'aggrave.

L'association de consommateurs CLCV (Consommation, Logement et Cadre de vie) a aussi critiqué cette démarche, estimant que «l'actuelle crise de l'offre de logements nécessite d'atteindre les objectifs fixés par la loi et non d'assouplir celle-ci pour satisfaire la réalité de certains».

 

Moins de logement social, plus de SDF

Aujourd'hui, les SDF meurrent dans la rue. Et le drame, c'est que les structures d'insertion ne peuvent les accueillir faute de places. Les populations qui devraient être réinsérées restent dans ces structures fautes de place dans le parc social.
Pour parer au plus vite, madame Boutin et le gouvernement misent sur l’obligation de déménager pour les locataires d’un logement social qui dépassent les plafonds. Vers quelles logements en cette période de stagnation des revenus et de raréfaction du crédit ?

Le président de la Confédération nationale du logement (CNL), Jean-Pierre Giacomo, estime que la remise en question du maintien dans les lieux est «inacceptable» et n’est pas la réponse adéquate. Il précise que «Personne ne peut croire sérieusement que l’on résoudra la forte demande de logement par l’éviction des locataires dont les revenus dépassent légèrement les plafonds ou ceux dont on considère qu’ils occupent insuffisamment leur logement».

 

Plutôt que de défaire par idéologie la loi SRU, il faudrait au contraire accélérer le mouvement par la réduction de moitié du délai d'application de la loi SRU (aujourd'hui début 2021) et par le triplement des sanctions financières.

Publié dans polémique

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U
<br /> Le pire c'est qu'il n'a pas tort. Bon premièrement la petite note, "c'est une ville aisée"...c'est la ville la plus riche du département (tout court), certes, mais pas besoin de faire un petit<br /> commentaire démagogique pour plaire au lecteur orientée politiquement dans la ligne éditoriale du journal (méchant riches).<br /> <br /> 2)Grosse disgression désolé...Bon je pense qu'il n'a oas tort parce que certaines personnes pensent que creer des logements sociaux à tout va c'est bien. 20 % c'est bien ? Je vous explique un truc<br /> s'il vous plaît...dans une ville qui a été urbanisée depuis longtemps où il y a que quelques terrains vagues...on fait comment pour construire 20 % du parc immobilier en social, on construit en<br /> hauteur, en GRAND ! et on se retrouve avec des cités (un exemple dans une ville de mon département, on va pas tout cataloguer mais bon c'est une ville trés calme [sauf dans le quartier en<br /> question]).<br /> <br /> 3)Il y a des villes où il y a peu de logements sociaux et où il y a commême des problèmes (Montfermeil..21 % de HLM !!! (si,si c'est vrai)), donc il faut bien adapter les logements selon les<br /> villes, on va pas en rajouter à tout va où il y a des problèmes même s'il y en a pas suffisamment (des villes non pas "leurs 20 %" mais comme ils ont beaucoup d'habitants les 18-19 % existant crés<br /> des cités.<br /> <br /> 4) Hypocrisie foncière : qui aimerait voir sa ville contenir un nombre de logements sociaux de plus en plus important ? C'est un peu comme qui souheterait avoir des jeunes turbulents (disons...)<br /> dans son collège. En fait, les HLM font baisser les prix de l'immobilier (où ralentie une hause...ou stagnation), que vous le vouliez ou non. Je connais une femme plutot d'accord avec vous qui vit<br /> dans une ville ultra-résidentielle du 77...elle AIME et elle VEUT des logements sociaux.<br /> "-Dans votre ville ?<br /> - Ah non ! Construisez-ça en Seine-Saint-Denis !" (le pire c'est que c'est vrai, personne ne veut des hlm dans sa propre ville)<br /> <br /> 5) Je suis désolé mais il y a des pratiques de certains maires trés dures pour ne pas construire (aide aux promoteurs pour construire des grandes maisons, afin de gentrifier la commune). Toutefois,<br /> n'oubliez jamais que certaines villes non plus DE PLACE POUR CONSTRUIRE, je vous jure que c'est vai. Le Raincy est une ville que je connais bien (elle est extrèmement magnifique d'ailleurs,<br /> visitez-là) et je peux assurer qu'en effet il n'y plus trop de places...un peu comme à Neuilly-sur-Seine (...à moins qu'on rase des hôtels particuliiers, la mairie, on construise sur l'avenue<br /> Charles de Gaulle).<br /> <br /> Contre la loi mais pas totalement opposé à l'idée qu'elle émet (permettre aux gens qui n'ont pas les moyens d'avoir un toit) même si je suis du même bord politique que Eric Raoult.<br /> <br /> <br />
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